work in progress_ Installation Museo de la Ciudad de Skopje, Macedonia
Il n’y a plus de loups en Angleterre
L’œuvre d’Enrique Badaró constitue
un lien direct entre la littérature de la région de Río de la Plata et les arts plastiques. L’idée originelle
naît de la lecture de Jorge Luis Borges –célèbre écrivain argentin ayant des
racines explicites et non explicites en Uruguay-, dont les textes ont
accompagné Enrique Badaro pendant
plusieurs années. Cette combinaison de la littérature et des arts plastiques lui a permis de développer
une série de varia silva visuelle, dans laquelle l’union entre l’art contemporain et l’art
académique est mis en lumière.
La toile non encadrée énorme et imposante, au fond rouge, pleine de la
passion, des pulsions et de la force intérieure, représentative peut-être de la
nature captieuse des habitants de ces régions du monde, est le fils
conducteur pour comprendre l’œuvre
de Badaró.
Des contes de Borges tels qu’
“El congreso“ (Le congrès), “El sur” (Le sud), et “Ulrica”, s’interpolent et
s’entremêlent de manière singulière pour créer des images, des tâches, des
coulis de peinture, imprégnées du “bad
painting“, de l’expressionnisme abstrait, des arts
graphiques et de la photographie.
Dix autoportraits dans lesquels l’auteur s’est peint en tant qu’acteur
et habite différents personnages qui, à leur tour, habitent les récits, encadrent
cette exposition binaire, pleine d’éléments séduisants et étranges pour
l’observateur.
Par ailleurs, le lien existent entre le Rio de la Plata et l’Amérique du
Sud et l’Europe, le vieux continent, y est présent aussi. Certes, ce dernier
est le colonisateur, la mère patrie, la source de l’histoire, qui exerce une
position ambigüe entre le premier monde et le tiers monde. L’Europe est la base
essentielle d’où des pauvres mais
aussi braves et brillants personnages, se sont aventurés à traverser l’Atlantique pour retrouver leurs
racines italiennes, espagnoles, méditerranéennes, voire leur universalité dans
le monde américain. C’est dans cette traversée qu’ils croisent l’amour, la mort et inévitablement l‘infinité et le vide de la nouvelle terre vierge.
Interpolé avec l’Aguará-Guazú
ou tout seul, ce canidé symétrique autochtone originaire de ces
terres, “le Lobo de Ulrica”, le loup d’Ulrica de Borges, tisse ainsi la traversée entre la Plata et la mythique
Macédoine.
Les Aguará-Guazús n’existent plus
en Uruguay
Aux yeux d’Alejandro
Turell, le fait qu’une espèce disparaisse ou bien qu’elle soit menacée en tant
qu’espèce, sur le territoire géographique où il habite lui aussi, entraîne une
sensation d’étonnement insondable.
Ne serions peut-être pas nous qui courons le risque de
disparaître ? Ne serions peut-être pas nous qui avons fait disparaître “les
autres” ? Ces deux questions, loin d’être situées dans une perspective “new-age” mélodramatique ou dans une logique
douteuse de la conservation “eco cool ” , ou formulées en tant que proposition politiquement correcte du point de
vue discursif, émergent de son activité artistique. Depuis une dizaine d’années
son travail embrasse des domaines relatifs à l’artifice, à la nature, à la
science, mais aussi à la notion du réel, à la sphère patrimoniale, à
l’individuel et au collectif.
À travers
différents dispositifs, allant de méthodologies des sciences humaines aux
ressources des arts graphiques et des préparations histologiques d’anatomie
comparée aux peintures, gravures et installations, il nous placent face à une
réalité mesurée et rationnelle avec une poétique qui tourne autour de ce qui se
construit et ce qui disparaît. Ses figures symboliques
émergentes sont-elles possibles face à la disparition physique du réel? Au
niveau de formulation, à titre d’essai, l’Art se situerait-il en tant que
dépositaire des non-existences ? Les grottes de Lascaux et d’Altamira ne
nous montrent-elles pas que l’homme a perdu sa capacité de voir les choses ? La
répétition des figures, à différentes échelles, semble accorder à la peinture
de l’animisme et du dynamisme, une vitalité de ce qui a cessé d’ÊTRE. En
Uruguay il y avait des peintures rupestres, la plupart ont été détruites, mais quelques unes sont actuellement
conservées. Il y a eu ici une mégafaune et des montagnes enneigées et aussi des
Aguará-Guazús. S’il en
reste quelques-uns à présent, ce n’est que quelques spécimens solitaires.
L’exposition de Turell et de
Badaró questionne l’identité transcontinentale : jusqu’où peut-on se dire
européens, latino-américains, ou indigènes ?
Des réflexions peut-être banales dans un monde, à
priori et en apparence uniquement, global. En termes de chiffres, la question du global se rattache à d’autres sphères peut-être moins poétiques et
plus apocalyptiques.
Mais ce sont d’autres
histoires…
Pance Velkov
"Aguará Guazú y héroe Nacional"
Acuarela sobre papel 21x29cm A.Turell.
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